Le Voyage – rotation du Marion Dufresne
Le départ
L’histoire de notre rotation débute le 21 octobre 2024, 16h30, rendez-vous à l’aéroport pour un dernier au revoir avant le grand départ…
Une fois les bagages enregistrés, il est temps de se quitter, un savant mélange d’émotion et d’excitation devant cette porte 21B.
C’est seulement à 19h que nous quittons le sol métropolitain direction la Réunion. Nous arrivons le lendemain à 7h45 par un grand soleil et déjà une chaleur appréciable. Un bus nous emmène directement de l’aéroport au port où le Marion Dufresne II nous attend.
Principe d’une rotation
Le Marion Dufresne II est le plus gros bateau scientifique français qui permet de ravitailler les terres subantarctiques lors d’une rotation d’un mois au départ de la Réunion. Il fait cette rotation 4 fois dans l’année (Août, octobre, décembre, avril (environ). Le reste du temps, il est réquisitionné pour des missions océanographiques un peu partout sur la planète. (pour en savoir plus ici )
Schéma de la rotation du Marion Dufresne II – TAAF
À 17h, le remorqueur arrive, il faut sortir le Marion du port et débuter l’aventure. Tout le monde à bord, départ imminent. Le premier arrêt ne se fait pas attendre, quelques minutes après avoir quitté le port nous nous arrêtons face à la Réunion et attendons l’hélicoptère.
Plusieurs minutes d’attentes plus tard le petit oiseau bleu d’Hélilagon nous présente sa parade autour du bateau, une salutation d’avant d’atterrir et de rentrer dans le hangar jusqu’à Crozet.
Nous avons passé 3 semaines à bord de ce magnifique navire le temps de ravitailler l’Archipel de Crozet, Kerguelen, l’île de Saint-Paul et enfin l’île Amsterdam.
Cette traversée nous a offert une transition en douceur vers notre hivernage. Elle a permis de prendre le temps de rencontrer nos co-hivernants et l’ensemble des hivernants des autres districts.
Grâce aux escales, nous avons pu découvrir durant ces quelques jours les bases, la vie sur place, l’organisation des repas, du travail, des bâtiments… De voir la chambre de copains ainsi que leurs prédécesseurs et leurs histoires d’une année passée dans une base à l’autre bout du monde.
Ce premier avant-goût est à la fois incroyable et effrayant et de multiples questions se posent dans nos têtes : la base, sera-t-elle la même ? l’ambiance aussi ? Les gens ? Le climat ? Il, y a-t-il un billard ??
Une journée à bord
Réveil échelonné avec possibilité de petit-déjeuner entre 7h et 8h30. Pour certains ornithologues, le réveil doit se faire en même temps que le soleil soit vers 5h pour commencer le comptage des oiseaux.
Leur but est de compter et de faire un bref suivi des oiseaux qui suivent le bateau. Ils nous suivent, car ils pensent que nous sommes un bateau de pêche rempli de poisson frais.
Le rythme à bord est guidé par les repas, Il y a deux services 11h et 12h15 puis 18h et 19h15.
Le début de la rotation est assez chargé surtout avant l’arrivée à Port-aux-Français à Kerguelen. Entre les repas, on s’occupe comme on peut avec au programme : formations premiers secours, sécurité à bord, formation biosécurité, initiation à l’observation des oiseaux avec les ornithologues, initiation à la photo, jeux de société, soirées dansantes, soirées karaoké, sessions sportives, écritures de cartes postales ….. Et surtout beaucoup de nouvelles rencontres et d’échanges tous plus enrichissant les uns que les autres.
La vie à bord est une vraie bulle où le temps s’écoule de façon très étrange. La déconnexion est quasi totale avec une connexion internet très réduite et une vie confiné avec des personnes qu’on apprend à connaître avec en plus la perspective d’un hivernage de 13mois à l’autre bout du monde.
Ce temps est très propice à la créativité et aux idées loufoques. Par exemple, pour Halloween on a préparé puis proposé plein de jeux pendant l’après-midi : chasse au trésor avec énigmes, blind-test Harry Potter, et maquillage.
Arrivée à Crozet
27 novembre 2024, 5h du matin. Deux gros cailloux viennent perturber le paysage lisse de l’océan indien. L’archipel de Crozet est là.
Avant de mouiller à la Base Alfred Faure, un premier arrêt est effectué au nord de l’île pour ravitailler et déposer du matériel au refuge de Pointe Basse.
Une autre équipe est déposée dans la manchotière pour y réaliser des observations et prélèvements.
Débutent ici les premiers vols de l’hélicoptère. Une longue série pour ravitailler l’ensemble des refuges et des bases des Terres Australes et Antarctiques Françaises.
Base Alfred Faure, île de la Possession, Archipel de Crozet.
Réputée pour avoir des conditions météorologiques vraiment difficiles, car la base est extrêmement exposée au vent ! Par chance, les jours de l’OP (nom donné pour le temps du ravitaillement) nous avons eu grand soleil avec très peu de vent et une vue dégagée sur la mer et l’île de l’Est.
Depuis le bateau, nous avons une vue directe sur la manchotière de la Baie des Marins. Régulièrement, des groupes de Manchots viennent nous saluer, collés au bateau. Selon le sens du vent, nous pouvons entendre les milliers de Manchots discuter entre eux.
La Baie du Marin est connue pour l’observation d’orques, chance que nous avons eux puisque qu’un groupe d’une dizaine d’individus est passé non loin du bateau.
Tout le monde n’a pas pu descendre, seulement ceux qui avaient des protocoles scientifiques, car la base est petite et ne peut pas accueillir tout le monde. Le temps de mouillage à une base est court et tout est millimétré et chronométré concernant le ravitaillement en hélicoptère.
Au final, nous avons passé 3 jours à Crozet, le temps de décharger le fret, ravitailler en gasoil et réaliser des courtes missions scientifiques.
Nos photos de notre passage à Crozet ici
Arrivée à Kerguelen
01 novembre 2024, terre en vue ! Kerguelen ! Comme pour Crozet, avant d’arriver à la base Port-aux-Français, une première escale est prévue dans la baie de la dauphine, face à la pointe de l’arche.
Le but de cette escale est d’aller ravitailler deux refuges : Baie charrier et Port Élisabeth. Une surprise pour Laureline, Louise et Rémi puisqu’il vont faire partie de l’équipe de ravitaillement.
Pour en savoir plus sur la logistique des refuges
En fin d’après-midi, le Marion s’est arrêté face à la base Port-Aux-français. Nous sommes restés 4 jours et 3 nuits sur Kerguelen. Le temps de faire les balades accessibles avec les agents de la réserve naturelle et de faire le tour de la base en visitant tous les bâtiments. On a même eu le droit à Kerguelen sous le soleil, les étoiles et pour les plus chanceux (Ou les plus fêtards … ) aux aurores boréales.
La base est beaucoup plus grande que les autres, elle est même « surnommée » la capitale des australes. En été, le nombre de personnes peut monter au-dessus de 100, contre une quarantaine maximum à Amsterdam. Cela donne un gros contraste entres les plus petites bases de Crozet et Amsterdam. à Kerguelen certains partent travailler en voiture.
Lors de notre passage, nous avons rencontré les colonies d’éléphants de mer, des Manchots et des gorfous. Nous avons pu pêcher la truite (espèce introduite à Kerguelen, il est donc possible de la prélever) au grand plaisir des hivernantes et hivernants.
Dans la quasi-totalité des bâtiments (vie et travail) il y a un coin commun où se poser pour prendre un thé, un café et/ou festoyer. Autant dire qu’il n’y a pas de quoi s’ennuyer !
Nos photos de notre passage à Kerguelen ici
Arrivée à Saint-Paul
09 novembre 2024. Saint-Paul. C’est une réserve naturelle avec accès réglementés depuis 2019. C’est-à-dire qu’un nombre restreint de personnes peuvent descendre chaque année pour mettre en œuvre les protocoles nécessaires au suivi de la réserve.
La débarque est autorisé par un arrêté préfectoral. La descente se fait dans le cadre scientifique et la maintenance du refuge et des équipements scientifiques présent (sismomètre, marégraphe).
Les conditions à réunir pour descendre sont très nombreuses et autant partir du principe que même en ayant les conditions réunies, vous n’allez pas descendre.
- Avoir l’arrêté préfectoral pour une descente
- Que l’arrêt soit prévu dans la rotation du Marion Dufresne II
- Faire partie de l’équipe scientifique de l’IPEV ou de la Réserve Naturelle des TAAF
- Que la météo soit bonne, surtout la houle puisque désormais le survol en hélicoptère est interdit
- Qu’il n’y ait pas d’avarie sur le workboat, annexe permettant le débarquement sur Saint-Paul
Nous avons beaucoup de chance, car l’ensemble des volontaires au service civique de l’IPEV ont pu descendre cette année.
Nous avons fait deux équipes : Pierre, Marina et Lison sont partis dans les colonies de gorfous et d’otaries pour faire du comptage d’individu. Rémi, Laureline et Zoé se sont occupés des relevés sismologiques, et du marégraphe et de la maintenance des panneaux solaires nécessaires au fonctionnement des instruments scientifiques. Plus de détails sur l’histoire de Saint Paul et les photos.
Arrivée à Amsterdam
Base Martin-de-Viviès – Amsterdam
Après une chance inouïe de débarquer à Saint-Paul, l’arrivé à Amsterdam.
Notre future maison et bureau pour 14 mois.
Le Marion est arrivé doucement par le sud de l’île du côté des grandes ravines de Del Cano. Nous découvrons enfin ce bout de terre dont nous entendons les histoires depuis des mois. Nous ressentons enfin ce que les hivernants de Crozet et Kerguelen ont ressenti en voyant leurs îles respectives. Un mélange d’excitation, de peur et de « qu’est-ce que je fais ici ?! ».
À l’extérieur du navire qui vient de mouiller face à la base Martin-de-Viviès, il a plusieurs réactions :
Les fous de la photo bombardent l’île et la base éclairée par un grand soleil. D’autres se rappellent des souvenirs de leur précédent hivernage et les nouveaux restent stoïque, larmes aux yeux d’être enfin arrivé. Pour beaucoup, c’est le rêve d’une vie, un rêve en perspective depuis presque 2 ans pour les plus téméraires.
Il est environ 15h30 quand le moteur de l’hélicoptère démarre. Il est temps de quitter le Marion Dufresne, de vérifier de n’avoir rien oublié dans sa chambre.
Récupérer son sac à dos et monter pont G dans le couloir de la Drop Zone, la piste d’hélicoptère.
L’arrivée est incroyable et chaleureuse. Amsterdam est connu pour des accueils en grande pompe. Banderoles, musique, déguisement et grand soleil. La cheffe de district nous attend et les anciens aussi.
La fin de journée est rythmée par le pot d’accueil, la découverte de nos chambres, découverte des bureaux de géophy (bureaux de l’IPEV) et un premier tour de base.
Nous sommes le 9 Novembre 2024, la mission 76 débute !